De linguae Latinae studio Genevae

En juin 2023, la Confédération et les cantons ont adopté la révision totale de la maturité gymnasiale. Dès lors, chaque canton doit mettre en œuvre la nouvelle ordonnance fédérale sur la reconnaissance des certificats de maturité gymnasiale (ORM 23).

Actuellement, à Genève, les collégiens obtiennent un certificat de maturité dans le cadre de l’ORM 95 (ordonnance fédérale sur la reconnaissance des certificats de maturité gymnasiale de 1995) qui est entrée en vigueur pour la volée d’élèves ayant commencé le Collège en 1998. L’ORM 95 a supprimé la maturité par types (classique, latine, moderne, scientifique, artistique). Elle a introduit un choix de disciplines fondamentales (DF), d’options spécifiques (OS) et d’options complémentaires (OC). L’option spécifique peut être soit une langue (allemand, anglais, espagnol, grec ancien, italien, latin), soit l’économie et le droit, soit la biologie et la chimie, soit la physique et l’application des mathématiques, soit les arts visuels, soit la musique.

Avant la mise en œuvre de l’ORM 95, les possibilités d’étudier le latin étaient de faire une maturité de type A (grec et latin) ou une maturité de type B (latin et anglais).

Dans le cadre de l’ORM 95, les élèves peuvent choisir le latin soit en discipline fondamentale DF3 (3 heures par semaine durant les 4 ans), soit en option spécifique OS (3 heures en première année en tronc commun avec la DF3, puis 4 heures en deuxième année, 4 heures en troisième année et 5 heures en année de maturité).

Jusqu’en 2020, il y avait la possibilité d’avoir une double option spécifique, ce qui signifie que toutes les langues étudiées en DF2 ou en DF3 pouvaient être suivies dans un cours d’OS indépendamment de l’option spécifique[1]. Cette offre de double OS a été supprimée lorsqu’il a été proposé à la magistrate en charge du DIP en quête d’économies de simplifier le modèle et de le rendre moins onéreux en supprimant cette possibilité.

Ce changement a eu d’importantes répercussions sur l’ensemble des options spécifiques de langues qui ont vu leurs effectifs baisser. À partir de ce moment-là, les options spécifiques moins choisies que d’autres (langues, musique, arts visuels, physique-application des mathématiques) ont été attribuées à certains collèges. Il y a donc eu une spécialisation des établissements : par exemple l’OS latin a été attribuée au collège Rousseau et au collège de Candolle et la DF3 latin au collège Voltaire, l’OS allemand a été attribuée à un seul collège, de même que l’OS italien. En plus de réduire les effectifs et donc le nombre de cours ouverts, cette mesure a eu comme impact de décourager certains élèves de faire du latin en raison de l’éloignement géographique du collège qui dispensait l’enseignement de cette discipline. Cela a pu parfois être interprété comme un caprice de la part des élèves. Il y a aussi d’autres réalités, notamment économiques qui expliquent ce renoncement (coût des repas de midi pour les élèves qui ne peuvent pas rentrer à leur domicile, par exemple).

Cette première salve contre la formation littéraire sert à ce jour d’argumentaire au groupe de pilotage chargé de la mise en place de la nouvelle maturité à Genève : le nombre d’élèves qui choisit une option spécifique de langues est trop peu important.

Dans le projet d’application genevoise de l’ORM 23, les disciplines liées à la Faculté des lettres (langues et sciences humaines) sont défavorisées. Quant aux mathématiques, le niveau avancé proposé aux élèves dès la 1ère année est supprimé.

La situation du latin est devenue particulièrement périlleuse dans la mesure où il a été exclu des OS. Il est maintenant uniquement proposé en DF3, en concurrence directe avec la langue nationale qui n’a pas été choisie en DF2, mais surtout avec l’anglais qui a également été exclu de la liste des OS. C’est donc la disparition à court terme de l’étude du latin au Collège qui est programmée, ce qui risque d’entraîner son abandon au Cycle d’orientation et un avenir très sombre pour le Département des sciences de l’Antiquité de l’Université de Genève, plus précisément pour l’unité de latin.

La décision de faire commencer l’option spécifique en troisième année ou éventuellement en deuxième année permet au groupe de pilotage d’expliquer la raison pour laquelle il n’est plus possible de proposer le latin en option spécifique. En effet, il y aurait une interruption dans l’étude du latin entre la fin de la 11ème année du Cycle d’orientation et la reprise de l’étude du latin en troisième ou éventuellement en deuxième année du Collège.

La décision de commencer l’option spécifique en troisième année ou éventuellement en deuxième année est à combattre au-delà des méfaits engendrés pour le latin car cette disposition fait fi des recherches en neurosciences sur le temps nécessaire pour les apprentissages. Il faut par ailleurs noter que l’ORM 23 ne donne pas de précision au sujet de la durée de l’option spécifique durant le cursus au collège.

Il s’agit donc bien de la volonté à peine dissimulée de supprimer à court terme la dimension humaniste de la formation gymnasiale.

Claude Antonioli


[1] Un.e élève inscrit.e en OS biologie-chimie pouvait par exemple choisir de suivre son cours d’allemand DF2 dans un groupe d’option spécifique d’allemand. L’élève avait alors une heure de plus à son horaire hebdomadaire en 2ème année et 3ème année, et deux heures de plus en 4ème année.